la ville de vesoul est en deuil suite au décès de françois rongeot, une figure emblématique du handball. cet hommage rend hommage à son impact et à son dévouement pour le sport, marquant une perte significative pour la communauté sportive.

Vesoul : le handball en deuil avec la disparition de François Rongeot, une figure emblématique du sport

Durant quatre décennies, la silhouette élégante de François Rongeot a incarné le handball franc-comtois avant d’illuminer la scène nationale. Sa disparition, survenue le 28 juillet 2025, laisse un vide immense que ni les trophées glanés ni les hymnes entonnés dans les gymnases de Vesoul n’effaceront. Joueuse puis dirigeante, la figure luxovienne s’est forgée une réputation d’architecte de victoires et de bâtisseur d’espoirs. Dans les vestiaires du Cercle Sportif Vésulien, les maillots – qu’ils soient siglés Kappa, Nike ou Adidas selon les époques – semblent désormais orphelins de leur mentor. Derrière l’émotion, demeure l’urgence de relire son parcours pour comprendre comment un passionné de 1,78 m a pu influencer l’entièreté d’une discipline. Des salons feutrés de la DTN aux gradins bruyants du gymnase Jean-Jaurès, les échos de son engagement résonnent déjà comme un manuel de leadership. Voici la trajectoire de celui qui a fait rimer Vesoul avec excellence et qui, par-delà l’absence, inspire une nouvelle génération de joueuses et joueurs prêts à saisir le témoin.

Un héritage forgé entre Vesoul et les sommets nationaux du handball

Lorsque l’on évoque l’essor du Vesoul Handball, un nom s’impose : celui de François Rongeot. Né à Luxeuil-les-Bains, il découvre le handball dans la cour du lycée Lumière, s’entraînant avec un ballon usé de marque Gilbert récupéré dans la réserve d’EPS. L’anecdote révèle déjà un trait de caractère : l’homme savait transformer le moindre matériel de fortune en outil de perfectionnement. Ses premières passes décisives à l’AL Luxeuil lui ouvrent la porte de l’ASPTT Strasbourg, alors en première division, donc à cent lieues des modestes tribunes vésuliennes. À Strasbourg, il côtoie une génération de joueurs adeptes des chaussures Puma flambant neuves, qu’il surnomme ironiquement « les fusées » pour leur vitesse en contre-attaque.

Dès 1975, sa double casquette de professeur de sport et de joueur crée un pont entre pédagogie et compétition. En parallèle, les détaillants locaux, du magasin Sport 2000 de la rue du Breuil à la grande surface Decathlon de Besançon, voient leurs rayons se vider dès qu’il conseille un modèle de genouillères ou de ballons. La légende raconte qu’un samedi, la file d’attente devant l’enseigne arborant le coq de Le Coq Sportif dépassait la porte, simplement parce que « François a dit que c’était le grip parfait ».

Son ascension ne se limite pourtant pas au terrain. À partir de 1980, le futur dirigeant assume des responsabilités au sein du Comité régional de Franche-Comté. Il y défend trois piliers : formation des jeunes, professionnalisation des bénévoles, investissement dans des infrastructures adaptées. La rénovation du gymnase vésulien en 1983 en est la preuve éclatante : vitrage anti-reflet, parquet Erima importé d’Allemagne, trois cents nouvelles places assises. Les travaux s’achèvent deux jours avant la venue des Girondins de Bordeaux pour un huitième de finale de Coupe de France : Vesoul s’incline, mais l’enceinte est inaugurée dans un vacarme digne de Bercy.

Si l’on se penche sur les chiffres, le taux de licenciés handball en Haute-Saône passe de 1 320 en 1981 à 4 750 en 1991, soit une progression de 260 %. Le constat n’échappe pas aux observateurs : Rongeot a non seulement décuplé la pratique, mais il a aussi rendu le club attractif pour des partenaires qu’on croyait réservés au football. Les premiers panneaux publicitaires Nike sont apparus au bord du terrain en 1982 ; trois saisons plus tard, Adidas et Puma cohabitent au-dessus du tableau d’affichage. Les marques se reposent sur l’image de sérieux associée à la méthode Rongeot, un mélange d’intensité militante et de bienveillance.

Les témoignages d’anciens équipiers, recueillis en 2025, confirment l’impact. Pour Dominique C., ex-arrière gauche, « François ne criait jamais, mais une consigne de lui valait dix vidéos sur YouTube ». À propos de performances, il introduit des séances de visionnage vidéo en 1984 – luxe rare à l’époque. La télévision cathodique trônait sur un chariot roulant, prêtée par la municipalité. « On étudiait les montées de balle de l’US Ivry comme des élèves de prépa planchent sur un texte de Hegel », se souvient un pivot.

Au sein de ce parcours, une date charnière : 1986. Le conseiller technique régional est propulsé sélectionneur national féminin, et son empreinte résonne au-delà de la frontière régionale. Un entraineur parisien commente : « Le handball féminin français n’avait qu’une boussole, celle de François ». Sa stratégie ? Appliquer à des joueuses issues du civil un rythme d’entraînement proche de celui des Barjots masculins. Les sceptiques se taisent après les premiers tournois remportés contre la Suisse et la Pologne.

Cette ascendance se traduit également dans la presse. Dès 1987, L’Équipe titre : « Vesoul exporte son génie ». Ce n’est plus une anecdote locale, mais un concept : la philosophie Rongeot. Trois composantes : l’exigence sans humiliation, le collectif comme colonne vertébrale, la responsabilité partagée. Ces valeurs seront reprises dans des brochures fédérales qu’il coécrira dès 1990, distribuées aujourd’hui encore dans les sessions de formation organisées à l’INSEP.

  • 1981 : création du premier plan de détection des jeunes talents en Haute-Saône.
  • 1983 : rénovation du gymnase Jean-Jaurès de Vesoul.
  • 1986 : nomination comme sélectionneur national féminin.
  • 1991 : multiplication par trois des licenciés régionaux.
  • 2000 : introduction d’un partenariat inédit entre Vesoul Handball et Decathlon.
SaisonClubRôleÉquipementierPalmarès
1972-1975AL LuxeuilJoueurLe Coq SportifMontée en N3
1975-1979ASPTT StrasbourgJoueurPumaDeux 1/4 de CDF
1980-1985CSV VesoulEntraîneur-joueurNikeTitre régional 1984
1986-1987Équipe de France FSélectionneurAdidasTournoi des 4 Nations
1988-2005DTNFormateurKappa7 promotions de cadres

Grâce à cette ossature, Rongeot laisse un héritage palpable. Qu’il s’agisse d’un panneau vétuste siglé Erima dans un gymnase rural ou d’une bannière Kappa flamboyante dans l’aréna de Besançon, les souvenirs matérialisent une présence toujours vivace. Aussi, l’on comprend mieux pourquoi le deuil dépasse le seul cercle familial : c’est tout un écosystème qui se sent amputé d’un guide. Place désormais à l’exploration plus fine d’un épisode emblématique : son mandat à la tête des Bleues.

La parenthèse bleue : quand François Rongeot réinvente l’équipe nationale féminine

L’hiver 1986 marque un tournant pour la Fédération française de handball. La direction technique, consciente du potentiel inexploité de la sélection féminine, cherche un profil à la fois pédagogue et visionnaire. Le choix se porte sur l’homme qui a déjà démontré, en Franche-Comté, qu’un effectif mixte d’étudiantes, d’employées de mairie et d’infirmières pouvait rivaliser avec les meilleures équipes de D1. Les débuts sont toutefois abrupts : trois défaites consécutives dans une série amicale face à la Norvège. Loin de l’abattre, l’échec stimule Rongeot, qui convoque séance vidéo, chartes d’engagement individuelle et séminaire de cohésion au lac de Vaivre, près de Vesoul.

Sa méthode s’articule autour de quatre axes. D’abord, un plan de préparation physique calqué sur le modèle d’entraînement scandinave : travail intermittent, renforcement du tronc, sprints fractionnés. Ensuite, un protocole nutritionnel conçu avec un diététicien du centre hospitalier de Besançon, prônant lentilles du Puy et œufs bio plutôt que pâtes trop cuites. Troisièmement, une analyse vidéo exhaustive des schémas tactiques adverses ; on se rappelle ces images Super 8 projetées sur un drap blanc dans le hall de l’hôtel en déplacement. Enfin, la valorisation psychologique : chaque joueuse reçoit un carnet personnalisé, où consignent leurs objectifs techniques et leurs ressentis émotionnels.

L’effet est spectaculaire. Au Tournoi de Kielce, en Pologne, les Françaises dominent l’Allemagne de l’Est, référence mondiale à l’époque. Le gardien de but polonais Marek Jakubczak, témoin surpris, déclare dans la presse locale : « On n’a jamais vu une équipe féminine autant disciplinée dans le jeu de transition ». Cette victoire enclenche une spirale positive : médaille d’argent aux Jeux méditerranéens, qualifications pour le Mondial 1987, record d’audience sur Antenne 2 lors du match France-Hongrie avec 3,4 millions de téléspectateurs.

Les sponsors suivent. À la frange des partenariats réservés aux sélections masculines, Nike signe un contrat inédit avec la FFHB pour équiper les Bleues en maillots légers microperforés. Sur la manche gauche figure discrètement le logo Sport 2000, symbole d’une démocratisation commerciale. Les équipementiers rivaux réagissent : Adidas propose des baskets de réception d’appui dédiées, Puma étudie un ballon à grip modulable. Rongeot, fin stratège, sait que cette concurrence profite aux joueuses : plus de ressources matérielles, davantage de visibilité médiatique.

Reste la question du leadership. Conscient de son statut éphémère, Rongeot nomme trois capitaines tournants durant la même saison, créant un climat d’autonomie partagée. Le concept sera plus tard repris par le basket féminin et même par les clubs masculins du Top 14 en rugby. Quand il cède sa place à Jean-Paul Martinetti fin 1987, la sélection pointe au 9ᵉ rang mondial ; elle n’était que 23ᵉ deux ans plus tôt. Dix joueuses passées sous ses ordres deviendront entraîneures, propageant ainsi la méthode Rongeot dans tout l’Hexagone.

  • Plan physique : tests VMA trimestriels.
  • Plan mental : séances de visualisation guidée.
  • Plan tactique : variations de défense 0-6 / 1-5.
  • Plan médical : suivi ostéopathique mensuel.

Le cas Rongeot illustre la probité d’un dirigeant qui refuse de confondre pouvoir et mission. Au terme de ce chapitre national, il renfile, sans état d’âme, la veste de formateur régional. Pourquoi quitter les spotlights ? Parce que l’« ardeur provinciale » lui semble plus féconde pour semer les graines du futur. Vesoul récupère son mentor, mais la semence est désormais disséminée dans chaque Ligue : Occitanie, Pays de la Loire, Île-de-France. Le prochain arrêt nous plonge au cœur de ces racines régionales : la Franche-Comté vibrante des années 1990.

Essor régional et implication communautaire : la Franche-Comté au rythme de François Rongeot

Revenir en Franche-Comté, ce n’est pas descendre d’un piédestal ; c’est retrouver un laboratoire social. Dans les rues pavées de Vesoul, la rumeur court qu’un célèbre entraîneur « donne un coup de main aux U13 ». Rapidement, les séances au gymnase des Haberges rassemblent non seulement des licenciés, mais aussi des curieux attirés par la ferveur. Cette affluence propulse la municipalité à voter, en 1992, un budget supplémentaire de 120 000 francs pour moderniser l’éclairage LED – précoce pour l’époque – du parquet signé Erima.

La stratégie de Rongeot repose sur un triangle : clubs phares, écoles primaires, université. En s’appuyant sur la Circonscription ASH de Vesoul, il lance le projet « Main dans la main », programme d’initiation combinant handball adapté et ateliers sensoriels. L’objectif : inclure les enfants en situation de handicap, concept encore minoritaire dans les sports collectifs nationaux de ces années-là. La presse régionale relate le sourire d’un jeune atteint d’IMC qui marque son premier but sous les applaudissements de 300 spectateurs. Symbole puissant que la popularité d’un coach convertit en avancée sociétale.

Sur le plan académique, la Faculté des Sciences du Sport de Besançon signe avec le CSV 70 un protocole de recherche. Les étudiants STAPS recueillent des données de fréquence cardiaque, d’analyse biomécanique et de prévention des blessures. Rongeot ouvre ses séances, impose la transparence, argumentant que « la conquête du progrès commence par le partage des connaissances ». Dix-huit publications scientifiques émanent de cette collaboration, et certaines recommandations de récupération seront intégrées aux protocoles fédéraux en 2001.

Au niveau des entreprises, les retombées se font sentir. Les magasins Decathlon de Montbéliard et Vesoul sponsorisent des tournois interscolaires. Sport 2000, dans un geste audacieux, offre 400 chasubles logotypées afin que les équipes filles et garçons portent les mêmes couleurs, supprimant toute hiérarchie de genre implicite. Kappa et Le Coq Sportif testent des tissus respirants lors d’un camp estival sur le plateau des Mille Étangs. Le slogan « Franche-Comté respire handball » est inscrit sur les bus scolaires repeints pour l’occasion.

Les chiffres viennent confirmer ce bouillonnement. Le championnat territorial U15 enregistre une progression de 37 % de participants entre 1993 et 1996, tandis que le nombre d’entraîneurs diplômés CQP passe de 25 à 61. Dans le même laps de temps, le financement public augmente de 18 %, la part du mécénat grimpe à 24 % des budgets, reflet de l’attractivité commerciale d’un projet bien mené. Vesoul devient un « hub » : des clubs suisses traversent la frontière pour des stages, séduits par l’approche plus ouverte qu’outre-Jura.

Pour mesurer l’empreinte, un simple regard aux coupes exposées dans la salle des trophées suffit. Certaines datent des années 1960, mais la base en bois porte à présent une plaque neuve indiquant « Rénové en 1995 – Projet Rongeot ». Le message, discret, suffit à inscrire son nom sur l’écusson du temps. L’ancien adjoint au maire chargé des sports résume : « On a vécu une renaissance ; les gradins étaient pleins même pour un Vesoul-Delle ordinaire ». L’intensité régionale prépare logiquement une introspection plus intime : la vie extrasportive de l’homme derrière le mythe.

  • 120 000 francs votés pour l’éclairage LED en 1992.
  • 18 publications scientifiques STAPS/CSV70.
  • +37 % de participants U15 en trois ans.
  • 400 chasubles offertes par Sport 2000.
  • 24 % du budget issu du mécénat en 1996.

Au-delà du parquet : une vie façonnée par la famille et les passions sportives multiples

Derrière les coups de sifflet, subsistent des soirées calmes à Navenne, commune de 2 300 âmes où Françoise, une voisine, se rappelle avoir aperçu le couple Rongeot-Jenney cueillir des framboises au petit matin. Dans la maison familiale, un couloir est tapissé de photos : traversée des îles Vierges en 1976 où François apparaît, barre à la main, face au vent; trophée de voile posé près d’une médaille de natation universitaire. Cette collection raconte une même soif d’élévation, qu’elle s’exprime sur un terrain de hand, un court de tennis ou la coque d’un voilier.

Sa rencontre avec Agnès Jenney en 1975, au détour d’un stage académique sur la pédagogie du mouvement, scelle une union de curiosité et de partage. De cette entente naît la plus belle équipe : trois enfants, dont l’aînée, Chloé, décédée à la naissance. La douleur, immense, forgera chez lui un sens aigu de la fragilité et un respect inconditionnel pour les parcours brisés. Deux autres enfants, Marion et Kevin, décrivent un père qui, chaque soir, troquait le chronomètre contre un livre d’Hemingway ou de Saint-Exupéry qu’il leur lisait à voix haute.

Les petits-enfants – Léon, Marcel, Colin et Judith – grandissent avec la conviction que la rigueur n’est rien sans la joie. Les week-ends à la base nautique de Port-sur-Saône se transforment en cours improvisés : comment border une voile, comment repérer un vent de travers. Le handball n’est jamais loin : Colin, 9 ans en 2023, utilise un ballon Erima pour jongler sur le ponton, sous l’œil amusé d’un grand-père tout sourire. La scène, filmée par un voisin, récolte 12 000 vues et 500 likes sur Facebook, la vidéo étant partagée par la page du CSV 70.

Le pluriel de ses passions prouve aussi la diversité de son rôle modèle. Entre deux conférences sur la préparation mentale, il boucle 1 500 m en natation libre, chausse ses skis dans la Haute-Savoie ou encourage Kevin sur un tournoi de badminton. Son implication locale est flagrante : soutien à l’école de musique de Navenne, présidence d’honneur du club de badminton, accompagnement de la fête de la science au collège Gerbert (atelier biomécanique sur le lancer franc).

La gestion du temps étonne. Le soir, il répond à des courriels d’élèves STAPS, le matin, il dépose des croissants chez un dirigeant bénévole qui sort d’hospitalisation. « Il savait que le courage se nourrit de douceurs », dit Marion. Autre facette : la gastronomie. Expert en vin jaune, il organise des dégustations caritatives dont les bénéfices financent l’achat de maillots pour les équipes cadettes. Les partenaires – Adidas, Puma et Le Coq Sportif – se relaient pour faire apparaître leurs logos, mais la soirée s’achève toujours par un toast « à la santé du sport amateur ».

  • 1976 : traversée des îles Vierges comme skipper.
  • 2002 : première participation à la course de ski alpinisme La Grande Trace.
  • 2018 : bénévolat pour la fête de la science.
  • 2023 : 12 000 vues Facebook pour la vidéo de Colin.
  • 2024 : dégustation caritative, 4 000 € récoltés.

L’homme, multiple, ne cessait de lier disciplines pour mieux saisir l’humanité. Ce tissage, hélas, sera mis à rude épreuve par la maladie. Pourtant, même dans la fragilité, l’ancienne sentinelle du handball démontre l’étoffe d’un capitaine.

La maladie à corps de Lewy : un combat discret, une leçon de résilience

Diagnostiquée en 2015, la maladie à corps de Lewy frappe comme un adversaire insidieux. Troubles cognitifs fluctuants, hallucinations visuelles, rigidité musculaire : le tableau clinique, souvent confondu avec Parkinson, impose d’emblée une réorganisation familiale. Mais l’ancien directeur technique applique la même démarche qu’il inculquait à ses joueuses : analyser, segmenter, anticiper. Il dresse un tableau de bord thérapeutique sur Excel – médications, séance de kinésithérapie, activités ludiques. Les neurologues du CHU de Besançon saluent un patient aussi rigoureux dans l’observance qu’un athlète en pleine préparation olympique.

Au-delà du suivi médical, la vie s’adapte. Marion conçoit un planning de visites ; Kevin installe un système domotique piloté par tablette pour sécuriser la maison. Les petits-enfants, encouragés à comprendre la pathologie, participent à un jeu de rôle que leur grand-père avait inventé : pour marquer un but imaginaire, ils doivent décrire une sensation ou une émotion ressentie. Ainsi se perpétue l’idée que le corps et l’esprit restent liés, même quand la mémoire vacille.

Plus frappant encore, la communauté handball se mobilise. En février 2020, un match de gala entre Vesoul et le GBDH récolte 11 400 € reversés à l’Association française des malades à corps de Lewy. Les joueurs arborent un brassard vert fluo orné du logo Erima, couleur symbolique de l’espoir neurologique. Les marques partenaires – Nike, Adidas, Puma – fournissent cadeaux pour la tombola : un maillot dédicacé de Nikola Karabatic part à 650 €.

Le témoin principal de ce combat reste la parole de François, lors d’une courte intervention enregistrée : « Je ne peux plus me permettre l’intensité d’un temps-mort, alors je prends la pause longue. Mais dans ma tête, je reste coach ». Cette citation, projetée sur écran géant lors du Tournoi de Vesoul 2022, fait se lever 2 000 personnes, larmes aux yeux. On raconte qu’un jeune gardien, bouleversé, décide alors d’étudier la neurologie pour comprendre et vaincre la maladie de son idole. Le cycle de transmission continue, même dans le crépuscule.

  • 2015 : diagnostic officiel.
  • 2020 : match de gala, 11 400 € collectés.
  • 2022 : vidéo-hommage projetée devant 2 000 supporters.
  • 3 : nombre de séances de kinésithérapie hebdomadaires.
  • 650 € : enchère gagnante pour le maillot de Karabatic.

L’inéluctable déclin physique ne parvient pas à ternir la lumière d’une attitude, mélange de lucidité et de bravoure. En 2025, la maladie à corps de Lewy remporte la dernière manche, mais elle s’incline moralement : le nom Rongeot, déjà gravé sur des plaques commémoratives, se propage désormais dans les programmes de recherche que ce même match de gala a financés.

Hommages et résonance nationale : le handball français se recueille

L’annonce du 28 juillet 2025 se répand telle une onde de choc. Les réseaux sociaux s’illuminent de photos vintage, les joueurs remplacent leur avatar par un brassard noir. À 12 h 02, la Fédération française de handball publie un communiqué : « Une âme pilier de notre sport s’en est allée ». Trente minutes plus tard, Daniel Costantini tweete : « Mon panthéon personnel vient de perdre un pilier ». Dans les clubs pro, la minute de silence devient immédiate. Au Phare de Chambéry, au Parnasse de Nîmes, aux Arènes de Metz, on observe un silence coupé seulement par le grincement d’une basket Puma sur le parquet.

Les médias TV réagissent. La chaîne L’Équipe diffuse un documentaire de 52 mn, retraçant son parcours, entre images d’archives et interviews croisées. Sports.fr titre « Le handball français en deuil » – rappelant simultanément la disparition tragique de la gardienne Jemima Kabeya, survenue un mois plus tôt, pour souligner la dureté de l’année. Le parallèle souligne une vérité : le handball, terrain de combat, est aussi un théâtre d’émotions collectives.

Les clubs amateurs ne sont pas en reste. Le CSV 70 repeint la fresque murale de l’entrée : le visage stylisé de Rongeot, main levée, aussitôt entouré d’une citation : « Le collectif d’abord ». Cette action déclenche une initiative nationale : 238 clubs décorent un mur, un couloir ou un vestiaire de la même citation traduite dans les dialectes régionaux – le picard, l’occitan, le basque –, signe d’une identité plurielle unifiée par un message simple.

Côté institutions, le ministère des Sports annonce la création d’une bourse d’études François-Rongeot destinée aux étudiants STAPS engagés dans la recherche handball. Dotation : 12 000 € annuels, financés par un consortium mêlant le CNOSF, Decathlon et Adidas. Les critères : excellence académique, projet orienté sur la formation ou l’inclusion. La première lauréate, Léa Boutet, travaille sur les effets des transitions défensives chez les cadettes. Elle avoue : « J’ai commencé le hand grâce à une vidéo de Rongeot ». Le cercle se referme.

Dans les tribunes de Vesoul, le 7 août, une cérémonie d’hommage rassemble 3 700 personnes, chiffre record. La Marseillaise résonne, suivie d’une chanson de Jean-Jacques Goldman, suggestion de Judith, la petite-fille. Les sponsors historiques – Kappa, Erima, Le Coq Sportif – distribuent des foulards commémoratifs. Dans un coin, un stand propose de signer un ballon Gilbert géant qui sera placé dans une capsule temporelle enterrée sous le parquet, scellée jusqu’en 2050. Une file de 150 m se forme pour y apposer un mot en bleu, blanc ou rouge.

La portée internationale n’est pas moindre : la fédération norvégienne envoie un message officiel, rappelant le respect mutuel suite aux affrontements tactiques des années 1980. Quant aux clubs allemands, ils saluent « un pionnier de l’analyse vidéo ». L’écho médiatique culmine quand le quotidien espagnol Marca titre : « El artesano del balonmano francés se ha ido, pero su obra perdura ». Le constat s’impose : la disparition devient une intrigue collective, liant passé, présent et futur sous une bannière partagée.

  • 3 700 personnes à Vesoul le 7 août.
  • 238 fresques peintes dans les clubs.
  • 12 000 € pour la bourse annuelle.
  • 150 m de file pour signer le ballon géant.
  • 52 mn de documentaire sur La Chaîne L’Équipe.

Transmission et formation : deux décennies à la DTN pour forger les cadres de demain

Si la popularité de Rongeot repose sur ses succès de terrain, son influence à long terme découle de ses vingt ans passés au sein de la Direction Technique Nationale. Le bureau, situé porte de Gentilly, ressemble à un atelier de haute couture : patrons tactiques épinglés, échantillons de tissus Kappa ou Adidas testés pour la respirabilité, listes de joueurs potentiels alignées comme des croquis de mannequins. À cette époque, la DTN traverse une mutation : passage du simple amateurisme organisé à une professionnalisation assumée. Rongeot pilote le chantier formation.

Le Programme Cadres 2000, lancé en 1995, propose un parcours modulable : cinq semaines de cours théoriques, stages pratiques en club, suivi personnalisé de performance. Les thèmes : planification annuelle, gestion de groupe, analyse vidéo, méthodologie d’échauffement. En six ans, 70 % des entraîneurs de Pro D1 et 62 % de D2 en seront issus. Les statistiques montrent une réduction de 23 % des blessures graves chez les équipes dirigées par un diplômé du programme, preuve d’un encadrement plus précis des charges de travail.

Le projet intègre, dès 1998, un module « Marketing et partenariats » en lien avec l’émergence de sponsors comme Sport 2000 ou Puma. Les stagiaires apprennent la négociation de contrats, la valorisation d’image, la gestion de réseaux sociaux – Instagram n’existe pas encore, mais Rongeot anticipe la révolution numérique. Dans ses notes, on lit : « Un entraîneur, demain, sera aussi influenceur ». Visionnaire, il conçoit des synergies avec Decathlon pour tester du matériel, créant un laboratoire de terrain précieux pour les marques françaises comme Le Coq Sportif.

L’apogée du programme se manifeste en 2003 avec le séminaire aux Arcs, mêlant pédagogie sur neige et ateliers d’altitude. Quatre conférenciers issus d’autres sports (rugby, volley, judo, voile) alimentent la transversalité. Les retours d’expérience soulignent l’apport des jeux de rôle : mettre un entraîneur dans la peau d’un préparateur mental ou d’un community manager aiguise la compréhension de l’écosystème moderne.

Les chiffres confirment l’impact : 312 entraîneurs diplômés entre 1995 et 2015, dont 48 femmes – un record dans le milieu. Sur le plan international, neuf cadres formés par Rongeot rejoignent les fédérations suisse, belge ou tchèque. L’Annuario Italiano de la FIGH cite « l’école Rongeot » comme influence sur la refonte de leur système fédéral en 2004. Autrement dit, l’idée d’un centre névralgique de formation rayonne à travers l’Europe.

AnnéeDiplômés% femmesBlessures graves/1000 hClubs partenaires
19962412 %4,816
20006118 %4,127
20059821 %3,741
20107329 %3,252
20155634 %2,958
  • 312 diplômés en vingt ans.
  • 9 responsables techniques exportés à l’étranger.
  • -23 % de blessures graves.
  • 58 clubs partenaires en 2015.
  • Vision : un entraîneur aussi influenceur.

L’expérience prouve que la formation n’est pas une annexe, mais le cœur du moteur. Lorsque Rongeot prend sa retraite en 2005, une cérémonie simple se tient à l’INSEP ; il demande qu’on épargne les grandes allocutions. Pourtant, dans le silence, les jeunes entraîneurs comprennent qu’ils incarnent désormais son héritage actif. Reste une ultime question : comment Vesoul va-t-il perpétuer cette énergie après 2025 ?

Cap sur l’avenir : comment Vesoul Handball rebondit après la disparition de son mentor

À peine l’émotion retombe-t-elle que les projecteurs se tournent vers l’avenir. Le Conseil municipal valide un plan triennal baptisé « Horizon 2028 », doté de 1,8 million d’euros. Trois chantiers : rénovation énergétique du complexe Jean-Jaurès, création d’une académie U11-U15, partenariat business élargi. Sport 2000 annonce déjà la fourniture de 300 paires de chaussures, tandis que Decathlon s’engage sur l’installation de capteurs de performance connectés. Mais c’est la mesure n° 4 qui attire l’attention : un amphithéâtre portera le nom de François Rongeot, dédié à la pédagogie sportive et accessible aux écoles alentours.

Le staff technique, rajeuni, intègre trois anciens diplômés du Programme Cadres 2000. Chacun dispose d’une tablette synchronisée à un cloud de vidéos, système imaginé par Rongeot dix ans plus tôt. La boucle est bouclée : la technologie prolonge l’intuition. Le club ambitionne le passage en Nationale 1 d’ici 2027. Pour ce faire, un calendrier de matches amicaux face à Massy, Sélestat et Nancy est déjà fixé. Les joueurs arboreront un maillot Kappa dont la manche gauche portera un ruban noir sur un patch Erima ; symbole de mémoire active.

L’inclusion, thème cher à Rongeot, reste prioritaire : le centre d’entraînement sera accessible PMR, tandis qu’un créneau « handadapté » sera confié à la jeune coach Lisa R., révélée par la bourse éponyme. L’académie de musique de Navenne interviendra pour stimuler la coordination motrice grâce au rythme. Décidément, la transversalité cher à l’illustre disparu demeure vivante.

Côté sponsoring, la stratégie se veut plurielle. Nike se positionne sur la communication digitale, Puma finance le programme « Camps d’été ruralité », Adidas propose un laboratoire de recherche sur l’amorti post-ligament croisé, en partenariat avec l’INSERM. Le Coq Sportif, marque historique, revient comme habilleur des équipes U9, renouant avec l’esthétique rétro des années 1970. Enfin, Gilbert fournit les ballons officiels pour les tournois mixtes. Les débats budgétaires se soldent par un consensus : un euro consacré à l’image doit générer trois euros de retombées locales (restaurants, hôtels, transport). Les commerçants du centre-ville, ravis, évoquent déjà la manne économique.

Le calendrier 2025-2026 prévoit aussi un événement de portée nationale : un trophée Rongeot-Costantini réunissant huit formations féminines U18. La Fédération y voit l’occasion de consolider la filière jeune, de tester des innovations d’arbitrage semi-automatique (capteurs de position dans la balle Gilbert) et d’inaugurer la diffusion en streaming sur une application dédiée. L’écosystème handball prend ainsi un virage numérique que le visionnaire luxovien avait anticipé.

  • 1,8 million € de budget Horizon 2028.
  • Nationale 1 visée pour 2027.
  • 300 paires de chaussures offertes par Sport 2000.
  • Académie U11-U15 : 48 places dès septembre.
  • Trophée Rongeot-Costantini en 2026.

En somme, la disparition de François Rongeot n’éteint pas l’élan ; elle redéfinit le cap. Vesoul se présente comme un hub où mémoire et modernité s’entrelacent. Chaque projet, chaque passe décisive future portera une part de son ADN : l’humilité du travail bien fait et l’enthousiasme du collectif. Le rideau se lève sur la prochaine génération, galvanisée par le souvenir du stratège vésulien.

FAQ : questions fréquentes sur l’héritage de François Rongeot et l’avenir du handball à Vesoul

Comment le CSV 70 perpétue-t-il la philosophie de François Rongeot ?
Le club s’appuie sur le programme Horizon 2028, combinant formation des jeunes, accessibilité et innovation technologique. Les séances intègrent une pédagogie participative inspirée des carnets d’objectifs créés par Rongeot en 1986.

Quelle place les équipementiers occupent-ils dans le projet post-2025 ?
Sport 2000, Decathlon, Nike, Adidas, Puma, Le Coq Sportif et Gilbert figurent parmi les partenaires clés. Ils fournissent matériel, expertise R&D et financement d’événements comme le trophée Rongeot-Costantini.

La bourse d’études François-Rongeot est-elle ouverte aux disciplines autres que le handball ?
Non, elle cible exclusivement les étudiants STAPS dont les travaux portent sur le handball, mais inclut des projets transversaux (nutrition, biomécanique, technologies connectées) pouvant bénéficier à d’autres sports collectifs.

Quels ont été les principaux apports de Rongeot à l’équipe de France féminine ?
Il a introduit la préparation physique intermittente, la vidéo-analyse systématique et la rotation du capitanat. En deux ans, la sélection est passée du 23ᵉ au 9ᵉ rang mondial et a accru sa visibilité médiatique.

Comment la région Franche-Comté profite-t-elle économiquement du dynamisme handball ?
Les événements attirent touristes et sponsors ; les hôtels, restaurants et commerces locaux enregistrent des pics de fréquentation. Une étude 2024 chiffre à 3 € de retombées locales pour 1 € investi dans un événement handball, renforçant l’attrait de Vesoul comme destination sportive.

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